Les vergers conservatoires, pour sauvegarder la biodiversité des anciennes variétés fruitières

Les vergers constituent un véritable réservoir de biodiversité. PlantC souhaite à son échelle sauvegarder et valoriser un projet de verger conservatoire du côté de Soumagne. Mais d’abord, un petit retour sur le concept de verger conservatoire…

Verger du Richichou

Variétés fruitières : un héritage séculaire

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Belgique comptait encore plus de 70 000 hectares de vergers hautes-tiges intégrant principalement pommiers et poiriers mais également prunes et cerises. Ils sont le fruit d’une sélection variétale riche et diversifiée, héritée des XVIIIe et XIXe siècles. La Belgique était par ailleurs une région dynamique en la matière, étant même le berceau historique des variétés de poires. Les vergers hautes-tiges trouvaient une place autour des noyaux villageois, dans des prairies le plus souvent pâturées par du bétail. La greffe des arbres est alors un geste commun. Maîtrisé par une population à majorité paysanne et la biodiversité en profite.

Un verger haute tige offre une structure d’habitat précieuse pour de nombreuses espèces d’invertébrés ou de vertébrés comme certains oiseaux : sittelles, mésanges, pics, chouettes et autres rapaces. Les fruits, qui ne sont jamais à 100 % récoltés, profitent à bon nombre d’entre eux. Tandis que les arbres âgés offrent de nombreuses opportunités de nidification.

Dans le contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’heure est à l’amélioration de la productivité, l’endiguement du rationnement et du risque de famine. L’agriculture prend alors le chemin de l’intensification et de la spécialisation. Le remembrement, adaptation des parcelles à la mécanisation, eu pour conséquence un arrachage massif, par ailleurs subventionné, des haies et des arbres. L’arrachage des hautes-tiges est financé pour assainir et normaliser la production. Au niveau fruiticole, cette période correspond à un très grand appauvrissement de notre patrimoine variétal fruitier séculaire. La fruiticulture basse-tige, plus productive et gourmande en intrants, devint dominante, en reposant sur quelques variétés bien connues, encore reines de nos supermarchés. Le cortège de biodiversité inféodé aux vergers hautes-tiges a très probablement connu un net recul à cette période également.

Carte de Ferraris (1770-1778) présentant le dense réseau de vergers hautes-tiges
Carte de Ferraris (1770-1778) présentant le dense réseau de vergers hautes-tiges enserrant les noyaux villageois (Source : WalOnMap).

Un effort de conservation

Pour éviter la disparition pure et simple de ce patrimoine, le Centre wallon de Recherches Agronomiques (CRA-W) a initié, il y a plus de 30 ans, un formidable programme de conservation. Au départ de jardins de particuliers pour l’essentiel, ce ne sont pas moins de 3500 variétés fruitières qui ont été conservées dans la collection du CRA-w.

Pour contribuer à cet effort de sauvegarde, un réseau de verger dit « conservatoires » a essaimé sur le territoire pour dupliquer les variétés. Les vergers conservatoires sont composés de plus de 60 % de variétés qui ne figurent aujourd’hui dans aucun catalogue de pépiniériste, tout droit hérités de notre passé. L’enjeu est également de réimplanter très localement les variétés historiques.

Une génétique ancienne pour faire face aux incertitudes à venir

N’est-il pas paradoxal de considérer qu’une vieille génétique peut nous aider à adapter notre agriculture aux changements globaux ? Le climat des XVIII et XIXème siècles ayant largement contribué à la sélection des variétés fruitières.

L’un des premiers contre-arguments consiste à mettre en évidence la tolérance des arbres hautes-tiges, aux maladies. Les obtenteurs de variétés n’ayant naturellement pas de moyens de luttes phytosanitaires, comme c’est le cas aujourd’hui. Cette caractéristique permet l’exploitation de vergers « zéro traitement ». Les hautes-tiges sont par ailleurs plus vigoureux, et leur enracinement puissant les rend plus résilients face aux aléas climatiques. Il est ensuite un intérêt intrinsèque à leur riche diversité : la diversité fruitière constitue un riche patrimoine génétique mobilisable à opposer aux quelques variétés basses-tiges. La diversification des variétés au sein d’un même verger permet d’étaler les floraisons. Ainsi, le verger est moins sensible aux aléas climatiques (gelées tardives, grêles,…).

Verger haute-tige – Gourdine

Le redéploiement récent des vergers hautes-tiges permet de lutter concrètement contre l’effondrement de la biodiversité en milieu rural. Il permet aussi le maintien d’une production locale valorisable économiquement. Un tissu entrepreneurial se recrée autour de l’écosystème verger (pressoirs, cueilleurs, fruits de table, etc). Cela permet de réenvisager la production de fruits comme une diversification agricole, plutôt qu’une spécialisation difficile d’accès.

Aujourd’hui, nous sommes fiers de pouvoir contribuer à la création d’un verger conservatoire

Dans le Pays de Herve, l’un des hauts lieux de notre fruiticulture, divers acteurs se fédèrent pour créer un verger conservatoire de 87 arbres !
Un projet porté par Frédérique et la famille Colyn.

Place du futur verger à Soumagne

PlantC veut vous faire découvrir ce magnifique projet, pour notre patrimoine, la résilience de notre biodiversité et l’économie rurale !